HISTOIRE AGRICULTURE : MOISSON 1755 à 1770

Publié le par Mireille LOPEZ

LA MOISSON 1755 A 1770

 

 

 Quoique contrariée dans certaines régions par les pluies, la moisson de 1902 comptera encore parmi les moins défavorables, et la récolte parmi celle des bonnes années.

 

 

 Je ne le constate que pour comparer ce résultat aux intempéries et aux récoltes déficitaires qui affligèrent, comme une sorte d'acharnement, nos malheureux pères du temps de Louis XV. Voici un petit tableau édifiant et qui, sans longs commentaires, éclaire d'un jour tristement vrai cette seconde moitié du XVIIIe siècle.

 

 1755.- On commence vers le 20 juillet à couper le froment ; la moisson contrariée par la pluie s'achève le 15 août : beaucoup de grains germent sur les champs.

 

1756.- Le mois de juillet est si humide que les chemins, en Gâtinais, deviennent aussi impraticables qu'en plein hiver, et si froid  que vêtu comme en décembre, on est obligé de se chauffer de temps en temps.  Sur la fin du mois on se décide à couper les seigles ; la moisson du froment ne peut se faire qu'en août.

  

1757.- On fauche le blé à partir du 20 juillet, dans des conditions à peu près normales.

 

 1758.- Juillet est encore froid et humide . On avait commencé à couper les seigles, mais dans l'impossibilité de les rentrer secs et de les battre on les donne à manger aux brebis. En août on profite de quelques beaux jours pour faire la moisson.

  1759.- Année relativement favorable ; on va en moisson des froments le 15 juillet.

 

 1760-1761-1762.- Pas d'observations intéressantes la moisson est achevée, même celle des avoines vers le 20 août. Récoltes moyennes, comme qualité et comme quantité.

 1763.- Année tardive puisqu'on ne coupe les froments qu'au mois d'août, mais exceptionnellement abondante, il n'est que temps : la famine est à nos portes.

 

 1764.- La moisson s'achève vers le 15 août sous des grêles qui détruisent les avoines. Absence complète de paille, en Beauce, les blés ont épié à un demi-pied de terre.

  1765.- On va en moisson des froments le 23 juillet, un mardi, aux environs de Pithiviers.Il y a si peu de grains qu'il faut 30 gerbes pour avoir une mine. Or la mine de blé pesait en moyenne 80 livres ou un tiers de notre sac ; cela ferait donc pour nous 90 gerbes au sac. Mais la différence est plus sensible encore qu'il me semble, car dans les années à peu près bonne 12 gerbes du Gâtinais donnaient la mine.

 

 1766.- La moisson commence avec le mois d'août et finit avec le 25. Il ne faut plus cette année que 15 à 16 gerbes à la mine.

 1767.- Le mois de juillet est si froid que les graines ne peuvent venir à maturité. Enfin le 3 août on les coupe tels qu'ils sont, et le 20 on est surpris par la gelée en pleine moisson.

 

 1768.- La moisson des seigles finit et celle des blés commence du 24 au 26 juillet. Année médiocre, mais on n'est pas très exigeant.

 1769.- « Il n'y a pas eu d'été » dit Duhamel du Monceau à l'Académie des Sciences. Aussi attend-t-on le mois d'août pour moissonner. La quantité laisse à désirer, par bonheur la qualité est au-dessus de la moyenne.

 

 Voilà les renseignements que des témoignages sérieux et désintéressés nous fournissent sur quinze années successives et non choisies pour les besoins de la cause, vraiment ils sont peu brillants puisqu'ils se résument en huit récoltes à peine passables, six franchement mauvaises et une seule année d'abondance. Pourtant le producteur il faut le dire parce que l'histoire veut toute la vérité ; le producteur avait quelque chance de salut dans la hausse des prix et l'extrême sensibilité du marché que ne régularisaient pas les apports extérieurs.

Mais celui auquel doit aller  la meilleure part de notre pitié, c'est le manouvrier, le petit, tout petit cultivateur. Pour celui-là les limites des souffrances humaines semblent avoir été reculées.

Tout cela je l'ai dit déjà, et redit ailleurs, je ne ferai donc plus qu'une remarque : à l'exception de 1759 la moisson commence chaque année après le 15 juillet et  six fois sur quinze est reportée au mois d'août.

                                                                      Eugène Thoison

                                               Secrétaire Général de la Société d'Agriculture

                                                                       de Fontainebleau

 

 

Sources : Almanach de Seine et Marne 1902 (Médiathèque de Meaux) (sic)

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