ANNET SUR MARNE 1877 : accident à la carrière

Publié le par Mireille LOPEZ


AD 77  -série S- 27/4/1877

 

Annet sur Marne

Procès-verbal d’accident

Nous soussigné, Edmond Mansuy, Gardes Mines domicilié à Meaux,ayant été informé qu’un accident grave était survenu dans la carrière souterraine de pierres à plâtre, dite de Montano, exploitée sur le territoire de la commune d’Annet, par M. Loret Ainé, entrepreneur de transports par eau, demeurant à Moret, nous sommes transporté sur les lieux et avons constaté ce qui suit.

Actuellement la seconde masse est seule exploitée. Au fur et à mesure de l’avancement des travaux de premier abatage, celui de pierre dure, on soutient la pierre tendre au moyen de tasseaux ou petits piliers à pierre sèche et de pièces de bois.

Dans un quartier où l’exploitation est battue en ruine, une galerie de recoupage est ouverte dans un pilier. C’est à la jonction de cette recoupe avec une ancienne galerie, qu’étaient occupés au premier abatage le 20 avril 1877, les Sieurs Lefèvre Auguste, carrier tâcheron, âgé de 40 ans, Letellier fils (28 ans) et Nottin Eugène ( 24 ans).

Ce jour là, vers trois heures du soir, pendant que Letellier et Nottin débitaient puis transportaient en dépôt, à environ 6 m, la pierre au point où elle est chargée sur les wagons, Lefèvre la pince appuyée sur l’épaule, barrait un dernier bloc de pierre dure. Ayant senti la pierre tendre verser en même temps que le bloc barré tombait, il cria : Gare ! Aussitôt une masse de 70 000 Kil.gr s’effondrait. Tout le monde s’était enfui :  Nottin à gauche en longeant la masse, ses deux compagnons au milieu de la galerie, en sautant par-dessus le dépôt de pierre dure, Lefèvre, moins agile, fut renversé et couvert par un bloc pesant environ 6 000 Kil. Gr. Toutes les lampes étaient éteintes. Letellier et Nottin allèrent à tâtons et à 400 m de distance, quéri Naze et sa lampe. Alors commença le sauvetage.

Le bloc sous lequel était Lefèvre reposait en partie sur le dépôt de pierre dure. Ce tâcheron, dont on voyait la tête, était précisément à couvert et fortement serré dans l’intervalle resté entre le dépôt et le bloc de pierre tendre. Naze  n’eut donc qu’à élargir la passe à coups d’esse et à tirer le blessé. Dans sa chute, Lefèvre dont la figure porta sur le rail et le côté droit sur le dépôt de pierre, eut plusieurs dents cassés et une blessure sérieuse à la hanche et à la cuisse droite.

La galerie s’est effondrée du fond à l’entrée et sur 6 m de longueur.

Aucun signe précurseur n’avait signalé à l’avance le délitement préalable de la pierre tendre, laquelle en cet endroit, était soutenue à gauche par des tasseaux, et à droite par une pierre de bois de  fort équarrissage.

La pièce de bois a sans doute et non rompue. Les deux tasseaux dont l’existence a sauvé la vie aux travailleurs, ont retardé la chute de la pierre tendre, et l’ont obligée à se briser sur eux, leur partie supérieure a seule été broyée. Un relèvement des bancs de pierre indique nettement leur position.

L’accident est dû à la simultanéité :

De la grande largeur du recoupage (8m50) à son entrée dans les anciens vides ;

De l’existence d’un fil transversal dans la pierre tendre, fil qui n’était pas connu des carriers, et  qui a limité la chute du ciel ; et du nombre restreint de tasseaux

Dans un battage en ruine, une largeur de 8m50 n’est pas excessive. Si Lefèvre, qui est un carrier expérimenté, avait connu l’existence d’un fil aux approches des vieux vides, il aurait certainement dressé un plus grand nombre de tasseaux.

Le blessé est assuré.

Nous avons dressé le présent procès verbal pour y être donné telle suite que de droit.

Meaux le 27 avril 1877 le Garde mines Edmond Mansuy

 

Avis de l’ingénieur ordinaire des Mines

L’ingénieur soussigné a visité la carrière de M. Lioret, et n’a rien d’essentiel à ajouter au procès-verbal de M. Mansuy. La masse qui s’est détachée subitement avait environ 1 m d’épaisseur, 7 m de largeur et 6 m de longueur, d’ordinaire ces bancs de pierre tendre restent plusieurs mois avant de tomber, c’est à dessein qu’on les laisse  après l’enlèvement des bancs inférieurs de pierre dure, afin que l’abatage en coûte moins cher, puisqu’au bout d’un certain temps ils tombent spontanément où sous l’influence d’un faible effort. Dans l’espèce le voisinage de vides anciens avait débandé les bancs, déjà peu solides naturellement à cause de l’existence d’un fil transversal, inconnu d’ailleurs. Lefèvre, chef du chantier et seule victime de l’accident, n’a peut-être pas pris autant de précautions qu’on devrait le faire en pareil cas ; mais s’il a été imprudent, il a été cruellement puni de son imprudence.

J’estime donc que cette affaire a reçu toutes les suites qu’elles comportaient.

Paris le 30 avril 1877 l’ingénieur ordinaire des mines Eanvay

Vu et approuvé Paris le 2 mai 1877 ‘ingénieur en chef  Tournaire

 

AD 77  - Série S

Pour ces ouvriers qui se sont distingués à Annet du 21 au 24 aout dans la carrière Lepaire et indication des témoignages de satisfaction ou récompenses qu’ils ont reçu

1° Péradon Germain, maître carrier, lettre de félicitations, gratification de 50 F

2° Péradon Jacques, carrier, lettre de félicitations, gratification de 50 F

3° Marguerite Louis, maître carrier, lettre de félicitations, gratification de 40 F

4° Marguerite Auguste, maître carrier, lettre de félicitations, gratification de 40 F

5° Jacquinot François, ouvrier carrier lettre de félicitations, gratification de 20 F

6° Mathoux Jean Claude, ouvrier carrier, lettre de félicitations, gratification de 20 F

7° Marguerite père, ouvrier carrier, lettre de félicitations, gratification de 20 F

8° Marguerite Honoré, carrier, lettre de félicitations

9° Baraquin Alphonse, maître  carrier, lettre de félicitations

10° Demaugui Honoré, rouleur, lettre de félicitations

11° Noulet Sulpice, rouleur, lettre de félicitations

Certifié par le sous préfet soussigné

 

Publié dans ANNET SUR MARNE

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