L'AGRICULTURE EN SEINE ET MARNE EN 1967

Publié le par Mireille LOPEZ

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La Croix Dimanche de Seine et Marne 12/2/1967

Dans notre secteur ces dernières années on a beaucoup parlé de problèmes agricoles : remembrement, prix des céréales, équipement en matériel agricole etc… De moins en moins les bras cultiveront la terre, alors qu’il y a soixante ans chaque famille ou presque vivait de son lopin de terre. Dans les années à venir , les problèmes majeurs seront celui du regroupement des exploitations, qui devront atteindre de 150 à 200 hectares pour être vraiment rentables  et, par contrecoup, celui d’un travail de remplacement pour la main d’œuvre inutilisée et surtout pour les jeunes s’il l’on veut qu’ils restent.

Il faut avoir la lucidité de voir dès maintenant que dans quelques années des problèmes importants se poseront à nos agriculteurs.

La rentabilité d’abord… l’agriculture est loin de suivre le coût de la vie.

Certes, il y a eu quelques augmentations de prix de certains produits agricoles. Elles sont de l’ordre de 2 à 6% selon les denrées. Dans le même temps quels sont les produits non agricoles que la ménagère achète et qui n’ont pas augmenté d’au moins 10 % ?

Il y en a peut-être, mais ils sont assez rares.

Je crois que tout le problème est là.

Modernisation et emprunt

Le gouvernement demande aux agriculteurs de produire à meilleur compte, mais cela est impossible si on ne transforme pas complètement l’agriculture.

Il faut de plus en plus se moderniser, c’est-à-dire acheter du matériel, rénover des bâtiments, améliorer ses structures par le remembrement, la disparition des arbres non productifs, celle des haies trop nombreuses, etc…

Et nous voici pris dans un engrenage où l’on ne voit plus clair, car on ne sait pas très bien où cela nous mènera.

Pour acheter le matériel nécessaire, pour rénover et adapter les bâtiments, pour améliorer les structures, il faut de l’argent, et cet argent personne ne l’a, ou si peu.

Alors, on emprunte.

« Il y avait pour la France en 1964 : 2548 milliards d’anciens francs d’emprunts pour les seules Caisses agricoles officielles, sans compter les autres dettes privées ! »

Mais il faudra rembourser et en plus du capital, il y a les intérêts qui, pour des sommes aussi importantes, ne sont pas négligeables.

Quand on achète du matériel, quand on rénove et adapte les bâtiments, quand on améliore les structures il faut que cela soit rentable, afin de pouvoir rembourser, et alors la loi est la même en agriculture qu’en industrie, toute machine nouvelle doit remplacer du personnel.

Licenciement

C’est ainsi qu’on licencie en agriculture quelques 150 000 personnes par an.

Bien sûr, le mot « licencié » n’est peut-être pas convenable en ce cas, puisque l’agriculteur était chez lui  patron, mais je l’ai employé car les ouvriers en connaissent le sens. Si le terme n’est pas exact, le résultat est le même.

Beaucoup d’agriculteurs vivent actuellement dans l’angoisse et, en cela, ils sont très proches de beaucoup d’ouvriers.

Angoisse : que de quitter un emploi, que l’on soit agriculteur, ouvrier, cheminot ou autre, sans savoir ce que l’on retrouvera.

Angoisse : du jeune qui a appris un métier, celui de l’agriculteur, de tourneur, de fraiseur, de soudeur ou autre, qui se retrouve à 18 ou 20 ans sans place, parce qu’on lui répond partout que c’est complet, et qui est obligé d’accepter celle qu’on veut bien lui donner.

Angoisse : aussi de ceux qui ont encore une place, chez eux, agriculteur, ou chez un patron, mais qui se demandent si demain, avec l’évolution leur tour n’arrivera pas d’être eux aussi licenciés.

Voici trop rapidement ébauchés, quelques problèmes agricoles. Il y aurait certes beaucoup d’autres choses à dire sur l’agriculture, mais le but de cet article est seulement de faire comprendre que sous des apparences très différentes, les travailleurs, qu’ils soient de la terre, de l’usine ou d’ailleurs, ont des problèmes très proches.

(Article extrait de « Bon grain » journal paroissial des secteurs Larchant, la Chapelle, Reclose)

Publié dans SEINE ET MARNE

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